Il était furieux.
«Veux-tu finir de m’embêter?» me cria-t-il dès qu’il me vit, «de quoi te mêlestu? Tu veux donc me faire devenir fou? Naturellement, si tu me dis que le type est mort qu’il faut l’enterrer, et que je dois être présent; naturellement il m’est impossible de ne pas venir. Mais si tu ne m’avais pas averti, hein? je ne vais pas le resusciter, avec ma présence».
«Non, mais tu es l’Espagne. On ne peut pas l’enterrer comme un chien, dans ce bois, loin de son pays, de l’Espagne. Au moins, si tu es là, c’est tout diférent, tu comprends? C’est comme si toute l’Espagne était là».
«Naturellement, je comprends» dit de Foxà, «c’est pour cela que je suis venu. Mais, tout de même, pourquoi te mêles-tu de ces histoires? Tu n’es pas espagnol, vàlgame Dios!»
«Il faut l’enterrer gentilment, Augustin. C’est pour cela que je t’ai averti».
«Oui, je sais. Bon, bon, n’en parlons plus. Où est le mort?»
Nous allâmes voir le pauvre enfant mort, que ses camarades veillaient dans la petite baraque où on l’avait déposé. Les prisonniers espagnols regardérent de Foxà d’un air sombre, presque menaçant».
«Nous l’enterrerons» dit de Foxà, «suivant le rite catholique. Les Espagnols sont catholiques. Je veux qu’il soit enterré comme un vrai, comme un bon espagnol».
«Nous ne permettrons pas cela» dit l’un des prisonniers, «notre camarade était athée, comme nous tous. Il faut respecter ses opinions. Nous ne permettrons pas qu’il soit enterré suivant le rite catholique».
«Je représente l’Espagne, ici, ce mort est espagnol, un citoyen espagnol, je l’enterrerai suivant le rite catholique. Vous me comprenez».
«Non, nous ne vous comprenons pas».
«Je suis le Ministre d’Espagne, je ferai mon devoir. Si vous ne comprenez pas, cela m’est indiférent».
Et de Foxà s’en alla.
«Mon cher Augustin» lui dis-je, «le Général Edqvist est un gentilhomme. Il n’aimera pas que tu forces les opinions d’un mort. Les Finlandais sont des hommes libres, ils ne comprendront pas ton geste. Il faut chercher un compromis».
«Oui, mais je suis le Ministre de Franco, je ne peux pas, tout de même enterrer un espagnol sans le rite catholique. Ah, pourquoi ne l’avez-vous pas enterré sans moi? Tu vois, tu vois ce que tu as fait, avec ta manie de te mêler des choses qui ne te regardent pas?»
«Bon, bon, ne t’inquiète pas, on fera les choses pour le mieux».
Nous nous rendîmes chez le Général.
«Évidemment» dit le Général Edqvist, «si le mort était athée, comme il était communiste, on ne peut pas l’enterrer suivant le rite catholique. Je comprends, vous êtes le Ministre d’Espagne, et vous ne pouvez pas…»
Je proposai de faire venir le prêtre catholique italien de Helsinki, le seul prêtre catholique qui fût à Helsinki. (A Helsinki il y avait aussi l’Évêque catholique, un hollandais, mais on ne pouvait pas faire venir l’Évêque). On télégraphia donc au prêtre catholique. Deux jours après le prêtre arriva. Il comprit la situation, et il arragea les choses pour le mieux. |