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Tout, dans le siècle, est utile, nécessaire, avntageux, profitable etc. Le contraste entre le mot «utile» et le mot «nécessaire» me paraît beaucoup moins important que du templs de Voltaire, qui disait des Jésuites: «Pour que les Jésuites soient utiles, il faut les empêcher d’être nécessaires». On pourrait renverser la phrase: elle irait parfaitement au siècle. Mon cher et détestable et parfois ridicule René connaissait le mot «inutile», même dans le sens où je l’ai attribué aux soldats américains. Ne dit-il pas, de la mort du chevalier de La Baronnais, tombé devant Thionville: «Inutile et noble victime d’une cause perdue»? De nos jours, même en France, tout est utile, voire même nécessaire. Quand le peuple français se rendra compte qu’il n’est plus utile en Europe, qu’il est inutile, alors il redeviendra nécessaire.

 

IV

 

Mon éditeur américain, Dutton, de New York, me telegraphie demandant les droits en langue anglaise «of your wonderful La peau» dont il a les chapitres publiés par Carrefour. Ce mot «wonderful» me redonne confance en mon travail, dans la bouche d’un éditeur. Quand je travaille, je suis à la merci de tout. La moindre chose m’abat, m’enlève toute confance. Je tremble, si quelque nouvelle lue dans un journal m’ennuye. Pour toute la journée je ne suis plus capable de travailler. Une lettre suffit, un mot, une ligne de journal. Cette sensibilité à l’égard de l’extéreur est pourtant toute ma force. Que je suis loin de ressembler au personnage que l’on fait de moi en France! On ignore tout de moi, et pourtant on dit et on écrit de moi les choses les plus invraisemblables. Je me demande parfois si mon succès n’est pas dans l’idée fausse que le public se fait de moi. Est-ce qu’un se fait les mêmes fausses idées sur Montherlant, sur Cocteau, sur Giono? Je me le demande. Et quelle idée se fait-on, au juste, de moi? On me prend pour un collaborateur, un ami des Allemands, un farouche fasciste, un nazi. Quelle idée! Je ne puis que rire de cela, et les Italiens riraient aussi, s’ils le savaient. Je ne suis ni un héros, ni un martyr: je ne fais pas de politique. Touts mes avatars sont des avatars littéraires. J’ai été mis en prison pour des raisons littéraires, non pas politique. On veut faire de moi un personnage politique, et naturellement cela ne cadre pas avec moi, et les gens n’y comprennent plus rien.

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